Welcome in Netherlands !

Publié le par traitdunionclm

Vivre sur un pays… bas

 

Quand on habite à 1000m d'altitude, à 500m ou même à 100m, quelques mètres de plus ou de moins de changent rien. Quand l'altimètre flirte avec le 0, c'est tout autre chose…

"A quelle altitude sommes-nous ici ?

- Ici ? Un peu en dessous du niveau de la mer…

- En dessous ? Mais de combien ?

- Je ne sais pas exactement… Deux mètres peut-être. Derrière la digue, là-bas, il y a la mer."

 

En entendant cela, on sent soudainement comme un énorme sac d'eau suspendu juste au-dessus de sa tête. Et si la digue se rompait ? Nous apprendrons plus tard que toute la partie côtière du pays sur 50km de large est concernée, descendant parfois même jusqu'à -8 ou -10 m. Ces régions se maintiennent "à flot" en rejetant continuellement de l'eau dans la mer. Le réseau hydrographique est comme inversé, l'eau remontant des plus petits canaux vers les plus gros, eux-même rejetés dans les cours d'eau. Avant, c'étaient les moulins qui se chargeaient de l'opération. Maintenant, le vent ne fait plus tourner que les éoliennes et les moulins entretiennent la mémoire. Ce sont des grosses pompes électriques qui ont pris le relais (en hiver, s'il fait assez froid, on arrête les pompes un moment pour laisser les canaux geler et en faire une patinoire géante. C'est un plaisir national.) Quelle confiance en la technologie ! En cas de défaillance, un quart du pays pourrait se retrouver sous l'eau.

   

DSCN8194

DSCN8189

 

DSCN8141

"Ca ne vous fait pas peur ?, avons-nous demandé à Marcel, un habitant du dernier polder (polder de 45 ans, 800 kilomètres carrés, 4 pompes).

- Non, a t'il répondu simplement. Si un problème arrivait, ça ne créerait pas de raz de marée. L'eau monterait tout doucement et nous aurions le temps de partir."

"Les digues sont fragiles car elles sont faites de sable alors leurs points faibles sont constamment surveillés, nous a expliqué Dick. En 1995, on a fait évacuer toute la zone entre la Meuse et le Rhin. Rien ne s'est passé mais nous avons eu une grosse frayeur."

En 1953, un raz de marée conjugué à une tempête ont noyé toutes les îles du sud-ouest du pays, inondant 150000 ha et faisant 1800 victimes. Depuis, des digues ont été construites entre les îles, ainsi qu'un énorme barrage anti-tempête. Ces systèmes servent d'exemple dans le monde entier.

 

Mais au fond, peut-on se demander, pourquoi ? Pourquoi dépenser une telle énergie et être prêt à vivre sous une telle menace permanente ?

En fait, en pédalant aux Pays-Bas, on comprend très vite qu'ils comptent parmi les plus peuplés d'Europe. Les villages se succèdent, avec leurs petites maisons individuelles en briques rouges aux abords fleuris impeccablement entretenus. Le pays compte 16 millions d'habitants pour un territoire 16 fois plus petit que la France. Cela donne une densité de population 4 fois plus importante et, comme en Belgique, une pression foncière des plus fortes. On comprend donc que la tentation soit forte d'agrandir le pays.

 

Regard sur l'agriculture

 

Dans ce contexte, il n'est pas rare qu'un hectare de terre à vocation agricole atteigne les 60000 €, voire les 100 000 € du côté d'Amsterdam. Parfois, ce sont les banques qui la possèdent et la louent aux agriculteurs.

 

"C'est notre fils qui finira de payer la terre !", nous dit en riant un couple d'éleveurs laitiers (200 vaches), en désignant leur garçon de 8 ans.  

 

" Nous ne nous préoccupons pas de savoir quand les terres seront rentabilisées", nous dit Anna à propos de sa ferme  une des rares qui transforme son lait en fromage. "Ce sont les hypothèques qui font office de garantie auprès des banques."

 

DSCN7990 

D'autres relèvent le défi de rentabiliser ces terres hors de prix. Une après-midi, notre route nous fait longer des serres en verre, collées les unes aux autres pour n'en former qu'une très grande. La route fuit derrière nous. Les serres sont toujours là. Plusieurs centaines de mètres déjà. L'ensemble doit bien couvrir quelques hectares. C'est trop tentant… Nous prenons notre culot à deux mains, faisons disparaître nos short sous des pantalons pour être prises au sérieux et nous présentons à l'entée. Quelques minutes plus tard, nous arborons le costume de rigueur pour la visite. ("pour éviter d'apporter des virus", nous a t'on dit)

 

DSCN0141 

DSCN0120"C'est le 1er site de production de tomates que vous visitez ?", nous demande notre guide. Comment, "site de production de tomates" ? De fait, sous ces 7 ha de serre, ne poussent, en hors-sol, que des tomates, d'une seule variété (ce site n'est qu'une petite partie de cette compagnie, qui cultive ainsi 18 millions de kilo de tomates sur 26 ha, plus 30 supplémentaires dans 10 ans). La main d'oeuvre est majoritairement polonaise. "C'est un travail difficile, le sale boulot comme on dit. Je suis content de ne pas avoir à le faire moi-même", nous confie t'il. Coûts et gains se comptabilisent avec minutie au mètre carré. La course consiste à minimiser les coûts et en hiver, c'est l'Espagne qui gagne car il faut chauffer les serres ici pour maintenir les plantes en conditions optimales. En été, lorsque la chaleur devient trop forte en Espagne, c'est la Hollande qui exporte à son tour ses tomates vers le reste de l'Europe.

 

Avec son port qui peut accueillir les plus gros bateaux du monde, Rotterdam est une plaque tournante de ce grand jeu financier, la porte d'entrée sur l'Europe et sa sortie vers le reste du monde, faisant transiter des millions de tonnes de marchandises, dont des aliments pour les hommes et les animaux.

 

DSCN0202 

 

Concernant l'élevage aux Pays-Bas, celui des porcs atteint dans le sud-est du pays des densités telles que les éleveurs payent pour exporter leur lisier vers d'autres régions.

 

N'évoquer que les tomates et le lisier de porc pour parler de l'agriculture des Pays-Bas, ce serait oublier les céréales, patates, oignons, paprika, et autres légumes, les fruits, les tulipes, le lait de vache, traité principalement par une grosse coopérative qui déborde sur l'Allemagne et la Belgique, les moutons qui participent à l'entretien des digues… L'article devant garder une taille raisonnable, nous nous en tiendrons là.

 

DSCN8094

DSCN8025

 

Le Royaume du vélo

 

DSCN8297Les Pays-Bas, y a pas à dire, c'est plat de chez plat. Alors forcément, pour le vélo, pas besoin d'avoir des mollets de cycliste chevronné. Ajoutez à cela un réseau de pistes cyclables des mieux conçus et vous obtiendrez un trafic infernal de deux roues ayant pour tout moteur les deux jambes de leur conducteur. Devant les supermarchés, les écoles, les bibliothèques, les gares, ces bi-roues intrépides s'alignent en collections impressionnantes, n'espérant que la prochaine occasion de voir du pays. Dans les rues, des grand-mères pédalent, les sacoches remplies de leurs derniers achats. A la sortie des classes, on croise toujours des nuages de joyeux ados qui rentrent chez eux en convois d'amis. Certains parcourent ainsi jusqu'à 40km par jour (excepté en hiver), pour aller cultiver leur cerveau sur les bancs de l'école, ce qui représente, sur une scolarité complète, environ 60000 bornes. Sur cette balance-là, nos petits 13000 km ne pèsent pas bien lourd.

 

Mode "survie"

 

Quelques mots encore pour vous décrire l'épreuve morale qu'a été notre séjour dans ce pays très urbanisé, dont l'esprit d'organisation et de contrôle laisse peu de place à l'imprévu et à ce qui sort de l'ordinaire. Il est vrai que nous avons croisé au cours de nos journées des personnes toujours promptes à rendre service. Cependant, nos recherches d'abri pour nos tentes ont été laborieuses et si chacune s'est soldée par une belle rencontre, ce fut au prix d'une énergie dont nous avons fini par manquer.

- Scepticisme par rapport au projet ? ("Ne devriez-vous pas plutôt travailler ou étudier ?")

- Méfiance ? ("J'ai failli vous refuser au téléphone. J'ai eu peur que vous ne soyez Polonaises et que ça me crée des problèmes." = un tenancier de Bed and Breakfast !)

- Manque de compréhension de la simplicité de nos besoins ? ("Je vous ai imprimé la liste des Bed and Breakfast les plus proches. C'est tout ce que je puisse faire pour vous aider" = une dame à l'entrée de sa grande maison, à côté d'une ferme aux multiples bâtiments) 

Difficile de savoir. Nous avons fini par changer de stratégie, faisant appel à la solidarité "warmshower". C'est un réseau de cyclistes voyageurs, des frères de route, qui savent ce que c'est que de n'avoir de toit que celui que l'on peut porter sur son vélo, et qui ouvrent en grand leur porte à ceux qui en ont besoin. Quel trésor pour nous, qui nous voyions déjà passer Pâques au vent glacé sur la pelouse bien tondue d'un camping désert. Nous quittons Rotterdam pleines de reconnaissance pour l'énergie que nous ont donnée Rob et Sien, Marcel, Dick et Sandra, Emmy et Robert, une énergie qui nous pousse à pédaler plus loin et nous donne l'envie, quand notre tour sera venu, d'ouvrir aussi grand notre porte à d'autres frères voyageurs.

 

DSCN0230

 

Nous sommes le 10 avril. Les pistes cyclables nous auront conduites jusqu'au bout, jusqu'au terminal où est amarré notre vaisseau qui nous mènera de l'autre côté de la mer,  en Angleterre.

 

DSCN0278

 

Et pour terminer en beaute, voici une petite video d'un eco-village ou nous avons eu le plaisir d'etre accueillies. N'hesitez pas a la propager !

http://www.youtube.com/watch?v=4T_zca3Snmw

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
Merci pour ce blog que j'utilise avec mes élèves en travaux pratiques en informatique ainsi qu'en sciences sur le développement durable. Ils sont très intéressés. Nous attendons la prochaine<br /> présentation ...<br /> Danielle
Répondre
G
Bonsoir à vous 3! j'ai suivi un peu votre voyage, grâce à Marieke.Vous m'impressionnez!! Félicitations pour votre courage et votre ténacité!<br /> le reportage sur l'éco-quartier à Culemborg m'a beaucoup plu et montre qu'il y a de l'espoir que les choses bougent!<br /> à bientôt. n'hésitez pas à faire une halte si vous passez près de chez nous!
Répondre
A
Hehe,<br /> <br /> Encore du plaisir de vous voir poursuivre vos aventures !<br /> Dommage pour vous d'avoir une météo frisquette.. mais ça fait d'autres heureux !<br /> Des bises à vous trois !<br /> Amélie
Répondre
D
Quelle joie de vous lire, de voir toutes ces photos, de raviver des souvenirs d'échanges européens Comenius entre enseignant-es, quelle joie d'imaginer les richesses emmagasinées, partagées. Quelle<br /> volonté, quel engagement d'oser vivre son rêve. Merci pour le lien du film sur l'éco quartier, je vais le montrer à mes élèves, nous travaillons sur ce thème et nous allons prochainement rencontrer<br /> la mairie pour parler de cela ... la puissance d'être reliées. merci à Marieke qui aide à créer ce lien. Bises et bonne continuation.<br /> Danielle
Répondre
M
Gros bisous et bons coups de pédales sur la grande île (je suppose que vous y baladez déjà vos montures !).<br /> Marieke<br /> PS : cette fois, je crois que je l'ai eu, mon premier commentaire :-P
Répondre